Par africa 54infos/ActuCongo
Après avoir critiqué pendant plusieurs mois des contrats avec plusieurs sociétés internationales qui opèrent dans le domaine des terres rares, de l’or ou encore du Coltan, le Président burundais, Évariste Ndayishimiye a ordonné de suspendre toutes les activités d’extraction minière par ces sociétés depuis le 14 juillet, en attendant la renégociation des conventions qui les lient, comme le ministre en charge des Mines le confirme à RFI.
« Nous sommes assis sur un véritable trésor ! », « l’avenir est prometteur ! » ou encore « le Burundi va dire adieu à la pauvreté ! » : ce sont là quelques-uns des mantras qui revenaient régulièrement dans la bouche du défunt Président burundais, Pierre Nkurunziza durant ses dernières années de pouvoir, lorsqu’il faisait miroiter aux yeux de ses compatriotes les revenus qu’ils allaient bientôt tirer de la vente des minerais dont « regorge » le sous-sol burundais.
Pour le pouvoir burundais en effet, le Burundi est tout comme son voisin congolais : « un scandale géologique » passé inaperçu parce qu’ils avaient les yeux fixés sur l’immense République Démocratique du Congo.
Le régime de Nkurunziza va multiplier la signature de contrats avec des investisseurs étrangers, dont le britannique Rainbow Rare Earths Ltd, qui obtient un permis d’exploitation des terres rares du périmètre de Gakara, à l’est de Bujumbura, en 2015.
Le Burundi traverse alors une grave crise née de la décision de Nkurunziza de briguer un troisième mandat.
Une société de droit burundais, Rainbow Mining Burundi, est constituée. La multinationale y détient 90% des actions, et 10% reviennent à l’État burundais conformément au Code minier du pays. Elle va commencer à exploiter le gisement de Gakara présenté comme l’un des plus prometteurs au monde grâce à sa teneur en terres rares, en 2017.
Les contrats se multiplient, mais pas en faveur des locaux
Le Burundi place alors de grands espoirs dans cette exploitation, la seule en Afrique et l’une des rares en dehors de la Chine qui détenait jusqu’ici pratiquement le monopole dans la production des terres rares, utilisées de plus en plus dans les smartphones, les écrans de télévision, etc.
Depuis, le gouvernement burundais a multiplié la signature de conventions avec des intérêts russes ou chinois, qui vont constituer des sociétés minières de droit burundais sur le modèle de Rainbow Mining Burundi : 90% d’actions pour l’investisseur étranger et 10% pour l’État burundais, qui met à sa disposition son sous-sol et lui promet de nombreux avantages fiscaux notamment.
Tanganyika Mining va obtenir une concession pour exploiter l’or de Cimba dans la province de Cibitoke (nord-ouest), African Mining Limited pour exploiter l’or Muhwazi dans la province Muyinga (est), ou encore Ntega Holding va exploiter le Coltan à Runyankenzi dans la province de Kirundo (nord-est).
La population burundaise, dont 75% vit en dessous du seuil de pauvreté, se met à rêver à de lendemains meilleurs. Mais elle va vite déchanter, tout comme le pouvoir burundais.
« Depuis qu’elle a commencé à exploiter les terres rares de Gakara (en 2017), Rainbow Mining Burundi (RMB) a déjà exporté près de 2000 tonnes de concentré de terres rares », explique le ministre de l’Hydraulique, de l’Énergie et des Mines, Ibrahim Uwizeye.
« La société nous a dit qu’elle a vendu chaque kilo de concentré à moins de deux dollars américains le kilo (…), j’ai décidé de suspendre l’exportation de 400 tonnes qui avaient été déjà extraits en attendant qu’on vérifie la régularité des opérations sur ces exportations et qu’on procède à un meilleur partage même pour ce qui a déjà été exporté », a-t-il précisé.
« Ce réexamen est un préalable pour une renégociation de la convention qui doit suivre dans la foulée », a ajouté le ministre burundais.
Ibrahim Uwizeye assure que c’est la même chose qui s’est passé dans l’exploitation de l’or ou du Coltan : « le pays est en train de perdre énormément, alors qu’il compte sur ces revenus pour son développement ».
Signés dans l’opacité
Depuis le 14 juillet, le ministre a donc ordonné à toutes ces sociétés de suspendre toutes leurs activités en attendant la renégociation de ces contrats « dans un esprit gagnant-gagnant », explique-t-il. « On n’a pas touché à leurs permis d’exploitation, on leur a seulement demandé de suspendre leurs activités le temps de renégocier les conventions », a-t-il insisté.
« Tout le monde s’est rendu compte que par exemple pour l’exercice budgétaire 2020-2021, le Burundi tablait sur l’équivalent de 3 millions de USD comme ressources issus des mines, et ce chiffre a été divisé par deux pour l’exercice en cours, où il ne prévoit qu’un revenu de 1,5 millions USD », explique Gabriel Rufyiri, fondateur de l’Olucome en 2002 et figure de la lutte anti-corruption dans le pays.
Comment on en est arrivé là ? Le ministre est plutôt discret sur cette question très sensible, car ces conventions ont été signées sous le régime de son prédécesseur de l’actuel chef de l’État burundais. Pierre Nkurunziza a été récemment élevé au rang de « Guide suprême du Patriotisme » du pays, alors que le général Évariste Ndayishimiye assure « marcher dans les pas » de celui qu’il appelle le « grand-père de la nation ».
« Nous avions alerté dès la signature de ces contrats parce qu’ils ont été signés dans l’opacité totale, il n’y avait pas eu d’appel d’offres comme le prévoit la loi (…). Il y a également beaucoup d’allégations sur des cas de corruption sur chaque contrat », rappelle le Président de l’Olucome qui se réjouit de cette « décision de suspendre ces conventions en attendant l’adoption d’un nouveau code et la renégociation de ces conventions, car le pays voyait ses minerais sortir sans qu’il en tire le moindre bénéfice ».
Rfi.
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